VEF Blog

Titre du blog : Sur Les toits du Théâtre
Auteur : surlestoitsdutheatre
Date de création : 30-09-2012
 
posté le 08-10-2012 à 17:10:23

Laïcité, arnaque idéologique

Je suis en profond désaccord avec la posture de la laïcité et je vais m'en expliquer dans cet article. Ce n'est pas sa cohérence interne que je critique mais le cadre qu'elle représente et qu'on finit par ne plus voir.

 

 

  

La critique que je fais à la laïcité est structurellement la même que je fais au matérialisme, et elle consiste justement en ce que je lui reproche d'être au service de ce courant, ce qui historiquement s'explique par le fait qu'elle est le produit de loges maçonniques matérialistes qui prétendent sauver le monde à partir de points de vus qui ne sont que les leurs.

 

La laïcité met à l'honneur la distinction entre un espace public et un espace privée. On peut interroger la légitimité d'une telle distinction. A priori la majorité des cultures présentes et passées ont établi naturellement une distinction de ce genre, ce qui tend à montrer qu'elle tend à être naturelle.

Ce qui pose plus de question par contre c'est la répartition de ce que l'on met dans chacune des parties et surtout le motif pour lequel on effectue cette répartition. Dans la plupart des cultures cette distinction public/privée n'est que le reflet de la distinction extérieur/intérieur, le reflet du besoin d'intimité des individus ou des familles. Avec la laïcité, et plus globalement la démocratie, cette distinction acquière soudain une fonction politique : elle va servir à régler un problème, et pour cela "on" va décider politiquement de ce qui doit être privée et de ce qui doit être public.

 

A ce stade-là deux erreurs se produisent :

La première est la prétention d'instituer dans l'espace public une neutralité qui est impossible et qui devient une chose idéologique mortifère.

La seconde est qu'en congédiant tout ce qui est du côté du spirituel et du spiritualisme dans la sphère privée, on condamne potentiellement toute spiritualité à un statut annexe s'inscrivant dans une réalité globale dont la vérité prédomine, autrement dit on enlève à la spiritualité sa fonction essentielle de structuration de la réalité.

 

Ces deux erreurs ont exactement la même conséquence : l'établissement d'un monde matérialiste.

 

Reprenons successivement chacun de ces deux points.

Qu'est-ce que le matérialisme? c'est une question vaste et complexe que d'autres articles aborderont dans ce blog, mais admettons qu'il consiste en une simplification de la réalité. On prétend ôter à celle-ci tout ce qui semble de trop aux yeux de certains. Le matérialisme ne défend pas l'existence de réalités que certains mettent en doute, il s'en tient à ce qui est évident pour tout le monde, c'est à dire au monde des cinq sens et à tout ce que les sciences qui sont le prolongement de ces cinq sens peuvent établir comme modèles.

Les matérialistes se considèrent eux-mêmes comme non dogmatiques au prétexte qu'ils s'en tiennent à ce qui est incontestable. Sauf qu'ils sont incontestablement dogmatiques dans l'exclusion qu'ils imposent à ce qu'ils contestent. Ils prennent leurs oeillères pour la réalité et imposent plus ou moins consciemment leurs évidences à tout le genre humain.

 

Maintenant, si on compare le matérialisme à la conception laïciste de la neutralité, on réalise que les deux coïncident parfaitement, que le matérialisme possède à l'évidence une apparence de neutralité puisqu'il n'impose rien d'autre qu'une absence ou une négation de certaines réalités éprouvées par d'autres. Si le matérialisme est dogmatique, c'est bien par défaut et non par excès.

 

Or quand la laïcité prétend instaurer un espace public neutre, elle ne fait qu'instaurer un espace public matérialiste. Le contenu du matérialisme en soi ne divise pas les êtres humains puisque ce contenu se réduit au minimum sur lequel tout le monde s'accorde.

Le matérialisme n'étant finalement qu'une forme de religion de l'absence de Sens, la prétendue neutralité de la laïcité n'est qu'une vaste arnaque. On nous a imposé une religion (matérialiste) à la place d'une autre (spiritualiste), mais surtout au dépend de ce qui aurait du idéalement se substituer aux religions, à savoir le questionnement spirituel et philosophique.

Comment s'étonner alors que notre pays vive une crise de Sens, lui dont l'espace global est politiquement programmé pour être vide de Sens, c'est dire mortifère?

 

 

 

 

 

Nous rejoignons là la seconde erreur de la laïcité : l'idée que le questionnement spirituel ne soit que la sous-catégorie d'une réalité établie, définie et incontestable, et qu'elle mérite à ce titre d'être placée dans la sphère privée, la sphère d'une subjectivité qui est a priori considérée par le matérialisme comme étant moins réelle que la "matière", ce que le surréalisme a justement combattu avec acharnement.

Pour être juste il faut revenir au sens de la laïcité : empêcher les conflits communautaristes et protéger la liberté des individus de tout pouvoir abusif. Il est indéniable que le questionnement spirituel tend à l'échelle collective à être complètement parasité par des idéologies et pouvoirs religieux, spiritualistes ou sectaires. Et il est indéniable que la laïcité a efficacement géré cet enfer en ôtant à l'espace public de ces influences.

 

Mais en le gérant elle ne l'a pas résolu, elle n'a fait que reporter le problème.

La vraie question n'était pas de savoir comment mettre au second plan tout ce qui déborde le matérialisme, mais de savoir pourquoi la question naturelle et légitime du Sens de nos vies était récupérée, dénaturée et bafouée par les religions, et pourquoi elle était niée par le matérialisme.

Pourquoi les religions sont-elles dogmatiques et formalistes?

Sont-elles réellement spirituelles?

Leur formalisme ne fait-il pas d'elles des formes de matérialismes?

Et si les oppositions entre religions d'une part et entre matérialisme et spiritualisme d'autre part n'étaient que des mises en scènes à l'intérieur d'un vaste matérialisme qui serait comme un processus historique de chosification, de réification, dont la finalité s'opposerait aux besoins et aux capacités des êtres humains d'appréhender des facettes de la réalité porteuses de Sens, c'est à dire d'une toute autre finalité?

 

Revenons quelques siècles en arrière. La religion domine ; elle s'accorde assez bien avec le royalisme. Puis viennent les lumières, l'humanisme, la science, les révolutions politiques et industrielles, la laïcité ... etc. Or tous ces mouvements qui vont progressivement réduire à néant le pouvoir religieux sont très fortement imprégnés de matérialisme, et sous couvert de défendre une liberté qui en fin de compte n'est qu'une liberté matérielle profane, l'histoire a simplement remplacé une religion spiritualiste par une religion matérialiste.

A-t-on réellement progressé? la question est trop complexe pour mériter un oui ou un non catégorique.

En tout cas le mal a changé de forme. Selon moi il est même plus pervers parce que le matérialisme nie être une religion et qu'il s'est si bien confondu avec la réalité que les individus n'ont même pas conscience d'être modelés par lui et d'être privés d'une multiplicité de possibles. Ils consentent à concevoir la spiritualité comme un additif à une vie matérialiste toute puissante. Autant dire que la spiritualité authentique a très peu de réalité, même si des bouleversements considérables sont en marche à ce niveau.

Tout ce qui semble a priori relever du progrès depuis la chute des royalismes et des religions en Europe est peut-être contestable. Nos corps ont gagné en sécurité, en confort et en liberté, mais qu'en est-il de nos âmes et de nos esprits?

Certes il y a la liberté d'expression, l'éducation et l'accès à la culture, mais que vaut la liberté d'expression d'individus qui ont perdu leur Conscience? que vaut l'éducation d'individus qui ne peuvent et ne veulent rien d'autre que travailler, consommer et mourir? que vaut l'accès à la culture et à l'information dans un monde qu'on a vidé de tout Sens?

Que valent tous les progrès effectifs de ces derniers siècles quand le matérialisme qui les a accompagné a parachevé la négation du Sens qu'avait préparé la religion?

Que valent-ils quand la liberté spirituelle avec laquelle l'Eternité nous a façonné est devenue une liberté de croire qui n'est qu'une sordide permission de cultiver l'ignorance et la bêtise?

 

Une réponse possible à ma critique.

On pourrait me répondre, entre autre, qu'il y a une situation concrète, qui est qu'il y a des religions, donc des religieux, et que sans la laïcité ce serait le bordel, autrement dit que ma critique est une posture philosophique abstraite politiquement inadéquate à la réalité effective du moment.

Je dirais alors que je suis d'accord, que mon contradicteur a d'une certaine façon raison, mais que c'est là justement le piège.

Ce que j'appelle le Théâtre est un monde dans lequel nous nous sommes piégés ou fait piéger. Le piège consiste en ce que justement nous sommes pris concrètement dans des situations que nous sommes apparemment obligé de perpétuer et de nourrir. A chaque fois qu'on veut inviter les êtres humains à sortir du Théâtre, l'argument de la situation concrète vient toujours signifier que cette sortie est imposssible, abstraite, déraissonnable ou que sais-je.

 

Il y a un saut à faire. En ce sens je m'oppose radicalement à ce que j'appelle le paradigme machiavélien qui consiste à suivre le courant d'une situation donnée. Je suis plutôt platonicien, c'est à dire que je m'efforce dans un premier temps de penser un idéal sans tenir compte de la situation, pour ensuite prendre acte du décalage entre cet idéal et la situation, ce qui est une autre façon d'être réaliste. Mais ce décalage ne me fait pas fléchir. Si tout le monde en faisait autant le monde changerait, sauf que la majorité des gens veulent rester dans le Théâtre. Si c'est leur volonté, qu'ils y restent. Personnellement je fais ce que j'estime devoir faire. Le Théâtre n'est pas la réalité. Quand on me dit que je ne suis pas dans la réalité je rétorque qu'au contraire j'y suis pleinement, que c'est le Théâtre et ses occupants qui n'y sont pas. Les préoccupations politiques officielles du genre "rapport entre islam et laïcité" paraissent très sérieuses et très réelles, mais c'est uniquement parce qu'on en a fait une pièce de théâtre. Qu'une catastrophe naturelle ou nucléaire viennent refroidir un bon coup l'ambiance, les gens se retrouveront face à la réalité et ils comprendront qu'ils en ont rien à faire du rapport entre laïcité et islam, que cette préoccupation n'était que le reflet d'un rapport étroit et mesquin à la réalité.

L'espace véritable n'est pas l'espace prétendument neutre de la laïcité. C'est l'Espace infini et lumineux qui nous fait prendre conscience de la mesquinerie de nos préoccupations existentielles. La politique ne doit pas être un moyen de gérer le désordre engendré par notre mesquinerie. Elle doit être le reflet naturel de l'ordre qui se révèle quand on a abandonné cette mesquinerie.